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VERONIQUE BEIRNAERT-MARY (Forum antique de Bavay, Musée archéologique du Nord)

Alliant à une formation académique en histoire de l’art, un parcours professionnel de gestionnaire dans le milieu muséal, Véronique Beirnaert-Mary est directrice du Forum antique de Bavay, musée archéologique du Département du Nord. Elle a consacré un travail de recherche aux débuts de l’archéologie à Bavay entre 1716 et 1840. Elle est la commissaire de l’exposition consacrée à ce sujet actuellement au musée « Curieux antiquaires, les débuts de l’archéologie à Bavay aux XVIIIe et XIXe siècles » et la coordinatrice de son catalogue.

 

Le recueil de dessins de l’abbé Carlier (1732-1818) à Bavay. Les sources d’un antiquaire : de l’objet aux gravures de l’Antiquité expliquée de Montfaucon

 

Ancienne capitale de la cité des Nerviens, l’antique Bavay (Nord) a, dès le XVe siècle, suscité l’intérêt des chroniqueurs[1] et premiers collectionneurs[2]. C’est avec le second tome du Recueil d’antiquités de Caylus[3], que les premières images d’objets archéologiques issus de la ville seront livrées.

 

L’abbé Carlier (1732-1818), curé-doyen, installé à Bavay au milieu des années 1770, y exercera aussi une riche activité antiquaire construite autour de son cabinet de curiosités. Fouillant, dessinant, échangeant, écrivant, sont but est de faire « fraterniser »[4] les monuments. Cédée à la Ville de Douai en 1833, la collection de l’abbé Carlier est désormais conservée par le Musée de la Chartreuse de Douai et en dépôt à Arkéos. Outre les objets, la Ville de Douai a aussi acquis une partie des archives de l’abbé, aujourd’hui conservée à la bibliothèque de Douai et en dépôt au Forum antique de Bavay. Cet ensemble hétéroclite de correspondances ecclésiastiques et antiquaires, d’inventaires et de notes contient un manuscrit, intitulé à son arrivée à Douai : « Dessins de la collection de mr Carlier curé de Bavai acquise par le musée de Douai »[5]. Ce recueil compte 178 pages où sont représentés les objets de la collection de l’abbé. Y sont adjointes des légendes de la main de l’abbé Carlier, qui, outre une identification, proposent des références à l’Antiquité expliquée et représentée en figures de Bernard de Montfaucon.

 

En s’appuyant principalement sur ce recueil méconnu, les archives de son auteur et la liste partielle des ouvrages de sa bibliothèque, il est proposé de dresser une cartographie des sources de travail de l’antiquaire bavaisien, ainsi que la place qu’y occupent respectivement, objets, textes et images. Dans un premier temps, à la manière de Caylus, l’abbé Carlier souhaite disposer des objets pour les examiner. Ensuite, l’étude des ouvrages illustrés (Caylus, Winckelmann, etc.), de même que les échanges épistolaires accompagnés de dessins ou d’empreintes, lui permettent de comparer ses découvertes. La lecture de l’Antiquité expliquée, que nous donne l’abbé Carlier, sera plus particulièrement analysée afin de mettre en lumière le rapport instauré par Carlier, entre objet et image, et, entre identification et interprétation. Enfin, il est à souligner une des ambitions de l’abbé Carlier qui est la publication d’une histoire des Nerviens. La collection des objets et leur représentation dessinée n’est-elle envisagée par le « curé des Nerviens » que comme une étape du travail de l’historiographe ?

 

Au-delà, il s’agira d’interroger les motivations de l’auteur du recueil. Au fait des exigences de ses pairs quant aux publications antiquaires illustrées, l’abbé Carlier ne fait pas publier son ouvrage de son vivant. Ce cahier ne présente pas pour lui les caractères d’exhaustivité et de qualité qu’il en espère. C’est son neveu qui au décès de son oncle en fera une large diffusion, jusqu’au ministère de l’Intérieur et auprès des acheteurs potentiels, comme preuve de la valeur de la collection. Le recueil s’en trouve ainsi complètement requalifié. De document de travail à l’état de brouillon il est transformé en catalogue de vente, auquel on adjoint divers dessins piochés dans les archives de l’abbé au mépris de l’esprit qui avait prévalu à sa rédaction.

 

Désormais consultable à la Bibliothèque de Douai et numérisé, le recueil de dessins fait parfois l’objet de consultations pour compléter les sources d’une publication archéologique. Son analyse complète pour mieux connaître la collection de l’abbé Carlier est en cours, reposant la problématique de la fidélité des dessins à des objets désormais disparus.

 Beirnaert 1   Beirnaert 2



 

[1] Voir Delmaire R., Le Nord, Bavay. Paris France : A.I.B.L., 2011, (Carte archéologique de la Gaule, 59,2)

 

[2] Beirnaert-Mary V., Les débuts de l’archéologie locale dans le Nord de la France : l’exemple du comte de Caylus et de l’abbé Carlier à Bavay, s.l., 2014.

[3] Caylus A. C. P. de P. de L. de T.-G., Bouchardon E., Vassé L. C., Littret C.-A., Recueil d’Antiquités égyptiennes, étrusques, grecques [et] romaines [et] gauloises, tomes I et II, Desaint J., Saillant C., tome III, Duchesne N.-B., tomes 4-7, Tilliard N.-M., Paris, France, 1752-1767.

[4] [s.d.] Archives Carlier du Musée de la Chartreuse de Douai en dépôt au Forum antique de Bavay, n°15.

 

[5] Abbé Carlier ?, Dessins de la collection de mr Carlier curé de Bavai acquise par le musée de Douai, [s.d.]., Ms. 1037, Bibliothèque Marceline Desbordes-Valmore de Douai

 

 

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